Cassation commerciale, 12 avril 2016, n° 14-19200
Les tribunaux ont, à plusieurs reprises, mis à la charge du dirigeant de société une obligation de loyauté envers la société et les associés.
Ainsi, par exemple, les juges ont sanctionné pour manquement à son devoir de loyauté un dirigeant qui avait acheté en secret, via des sociétés interposées, l’immeuble dans lequel la société exerçait son activité (l’exploitation d’une clinique) alors qu’il savait que les autres associés souhaitaient acquérir ensemble cet immeuble. Ils ont donc considéré qu’il avait commis une faute de nature à engager sa responsabilité et l’ont condamné au paiement de dommages-intérêts.
De même, selon les juges, a manqué à son obligation de loyauté un dirigeant qui s’était abstenu d’informer un associé de circonstances qui auraient été susceptibles d’influer sur son consentement lors de la vente de ses titres. Dans cette affaire, le dirigeant avait acheté une partie des actions détenues par cet actionnaire à un certain prix (762 000 €), puis, quelques jours plus tard, les avait revendues à une tierce personne à un prix beaucoup plus élevé (1 736 000 €). Pour les juges, il avait manqué à son obligation de loyauté en n’informant pas l’actionnaire du prix négocié avec le tiers acquéreur.
En revanche, les juges ont récemment estimé que des associés qui avaient cédé leurs titres (d’une SA exploitant une polyclinique) ne pouvaient pas reprocher à leurs dirigeants (le président et les membres du conseil de surveillance) de ne pas leur avoir communiqué des informations qu’ils n’étaient pas les seuls à connaître (état du marché, intérêt de la société pour des investisseurs…). Dans cette affaire, des associés minoritaires avaient cédé leurs titres à certains de leurs dirigeants qui avaient, par la suite, cédé l’intégralité des actions de la société à une autre société pour un prix unitaire des titres nettement supérieur. S’estimant lésés, les associés avaient porté l’affaire en justice. Selon eux, les dirigeants avaient manqué à leur obligation de loyauté en leur dissimulant que des opérations de rapprochement avec d’autres établissements de soins avaient été envisagées quelques mois seulement avant la cession de leurs actions. Ils ne les avaient pas, non plus, tenus informés des nombreuses acquisitions réalisées, à cette même période, sur toute la France et dans la région, par des fonds d’investissement qui avaient par ailleurs clairement annoncé leur volonté de procéder à de nouvelles acquisitions. Toutefois, la Cour de cassation n’a pas donné raison aux associés. Elle a considéré qu’il n’avait pas été démontré que, lors de la cession des titres par les associés minoritaires, les dirigeants détenaient des informations qu’ils étaient seuls à connaître et de nature à influer sur le consentement des actionnaires, ni que des négociations étaient d’ores et déjà en cours avec une autre société en vue de la revente globale des actions de la polyclinique. En d’autres termes, les associés ne pouvaient pas reprocher à leurs dirigeants d’avoir gardé pour eux des informations qui étaient en réalité accessibles à toute personne s’informant sur le marché concerné.